Qui en ce monde n’a pas dit au moins
une fois dans sa vie ces mots : « que justice
soit faite »? Ou par exemple : « quelle
injustice ! » Mais après tout, comment
est perçue cette vision de justice ou d’injustice
et que revêtent ces expressions si familières
? Tout le long de notre existence nous utilisons des
mots, des termes sans connaître réellement
leur sens. Nous avons vu que les mots comme : démocratie,
liberté, égalité, amour, etc. sont
effectivement émis quotidiennement de notre bouche
et cependant, sont-ils vraiment adaptés avec
ce que nous voulions dire exactement ou exprimer de
façon objective ?
Dans un lointain passé, dans l’Egypte Antique,
la justice était symbolisée par la balance
et le glaive. La balance, symbole de justice, est reprise
par plusieurs états ou institutions d’état
des temps modernes. Elle signifiait l’équilibre,
le réajustement des inégalités
et des oppositions. Mais la balance comporte aussi deux
plateaux et pour les égyptiens de l’époque,
sur ces plateaux devaient se trouver les « causes
et les effets». Ainsi, sur l’un des plateaux il
y était placé le symbole des actes commis
ou omis. Sur l’autre, le poids auquel correspondait
ces actes. Quant au glaive, celui-ci représentait
la sentence, la compensation incontournable. Il ne s’agit
pas bien entendu de la justice humaine car les égyptiens
pratiquaient le culte divin. Pour ces derniers, la justice
était avant tout élaborée par les
lois de la Nature et non par les hommes. De plus, cette
loi était éternelle, que c’est elle qui
menait le monde. Partant de ce principe, nous pouvons
nous poser la question suivante : qu’en est-il de la
justice des hommes, et qu’elles sont ses limites ? Si
la justice des hommes a des limites, comment peut-on
considérer la neutralité de la justice
universelle, de quelle manière et à quel
moment agit-elle ?
Avant de répondre à toutes ces questions,
certes importantes, poursuivons notre analyse d’un point
de vue plus large toujours en prenons pour base l’application
de cette loi selon les grands penseurs de l’ancienne
Egypte, cela dit en passant, si aujourd’hui nous rejetons
cette base nous n’en gardant pas moins les principaux
symboles.
D’après leur philosophie, ce
ne fut pas la condamnation terrestre qui était
réelle mais la considération du plan divin
et inversement. L’homme pouvait donc être coupable
et condamné sur terre mais innocenté aux
« yeux » de la justice divine. Le rôle
de cette « justice divine » n’était
pas d’annoncer ou de décréter un verdict.
L’homme devait, de lui-même et par lui-même,
se situer au-dessus des contraintes, des attachements
matériels, bref, des contingences qui le rendaient
plus esclave que disciple de la vérité
et de la connaissance. Il devait avoir le sentiment
d’avoir agit sagement et pour le bien universel. Certes,
cela n’était pas une tâche facile. L’action
quotidienne impliquait une forte volonté d’agir
vertueusement, car l’ignorance des lois universelles
au sens sacré et divin, menait à l’échec.
Il fallait se rendre compte que l’on avait mal agit
et tout faire pour éviter le châtiment
venant du monde divin. Dans ces anciennes sociétés,
l’autodiscipline devait être acquise pour échapper
à une considération générale,
c'est-à-dire au fait qu’il fallait une sorte
de prise de conscience individuelle, sinon la loi des
hommes s’appliquait avec toutes ses iniquités,
conséquence de la méconnaissance fondamentale
de l’être.
Nous retrouvons également cette discipline philosophique
en Inde, en Orient où, il est dit que chaque
acte est inscrit dans le « grand livre des mémoires
de l’univers », que rien ne se perd, mais que
tout est mise en mouvement, en l’occurrence, les actes
et les pensées des humains. D’abord au niveau
strictement individuel et bien sûr collectif.
En fait, compte tenu de la complexité de la conscience
humaine, souhaitant que toute erreur doive être
punie ou vengée, toute forme de passion est à
exclure dans la présente réflexion.
Dans le bouddhisme par exemple, contrairement aux autres
religions, l’âme n’est pas reconnue, il y est
fait plutôt allusion à un être nouveau
qui naît avec la « conséquence de
ses actes antérieures qui n’ont pas connus en
son temps, la compensation, une sorte de « facture
à payer » si on peut dire, cela en raison
d’une inopportunité comme le manque de prise
de conscience, le temps ou le moment n’étant
pas venu pour compenser, faute d’incompréhension,
de maturité intérieure. Ainsi, le bouddhisme
pratique soutient que tant que les actes mauvais antérieurs
n’ont pas été effacés, l’être
sera encore sujet à la souffrance et ses dettes
seront de ce fait inscrites dans cette mémoire
du « Grand livre de l’univers ». Ce qui
est appelé par les philosophies particulières
de l’Inde : le « Karma « mot d’origine sanskrit
qui veut dire littéralement: action ou faire
et non « acte mauvais » comme beaucoup pourraient
le penser. Donc, ce sont les expériences de la
vie présente qui constituent la prochaine selon
le bouddhisme. Les actes purs accélèrent
en quelques sortes la délivrance de la souffrance
pour revenir à l’état originel c'est-à-dire
au sein de la conscience de l’Absolu.
Un philosophe du passé disait à ce sujet
:
« Les hommes, qu’ils le reconnaissent
ou non vis-à-vis d’autrui, sont conscients des
erreurs qu’ils commettent et qu’ils pourraient être
amenés à sérieusement regretter
et sur lesquelles ils pourraient se lamenter. Nombre
d’entre eux se disent à eux-mêmes, et quelques
fois confessent à d’autres, que s’ils avaient
à recommencer leur vie ils agiraient différemment.
Ils racontent comment ils essayeraient d’éviter
de commettre des actes qu’ils estiment mauvais et comment
ils essayeraient de les racheter.
« Cette notion d’après-vie n’est pas franchement
acceptée dans le ciel traditionnel, chrétien,
juif ou mahométan et ce système de correction
d’erreurs commises dans cette vie n’est pas prévu.
Il semblerait donc qu’une autre vie sur terre donnerait
aux hommes la possibilité de s’émanciper
du comportement passé qu’ils regrettent maintenant…
»
Toutes les sociétés se
réclament d’appliquer une justice à partir
d’un consensus qui tend à devenir international.
Mais il faut cependant être réaliste car
les conceptions et les notions de justice sont divergentes.
Ainsi nous sommes tous d’accord pour faire appliquer
une justice juste, mais les moyens sont tout à
fait opposés les uns par rapport aux autres,
divergents, contraires, voire même répressifs,
violents. La société exige certes de ses
membres des obligations et des droits. Vu les limites
mentales et psychologiques, force est de constater que
des erreurs de justice sont nombreuses s’il faut appeler
cela « justice ». Par exemple, une nation,
un gouvernement se proclamant démocratique limite
le plus souvent les libertés d’expression et
de déplacement de son peuple. Par ailleurs, ces
mêmes libertés sont de plus en plus menacées.
Faut-il supposer par là, la crainte de perdre
de réels privilèges latents des dirigeants
? Ce qui est certain, cette crainte remet en cause la
loi de l’équité et du bien fondé
des jugements.
Toutefois, l’homme étant un
être changeant, il est permis de croire qu’une
société sans foi ni loi s’exposerait à
de graves dangers quant à son fonctionnement
et compromettrait les espoirs de tranquillité
et des besoins. De même, l’homme étant
un être pensant et conscient, à la différence
d’un animal, reste enclin à agir selon ses aspirations
intéressées ou pas.
C’est pourquoi la justice dite humaine
n’est pas aussi juste qu’on ose le prétendre.
Ultérieurement, il a été souligné
que chaque communauté, nation et peuple avait
sa propre vision ou conception de ce qui est considéré
comme bon ou mauvais dans sa conduite. Comme il a été
dit à plusieurs reprises dans les réflexions
précédentes, le bien et le mal ne sont
qu’une conception relative des réalités,
car il y a autant de communautés, de peuples,
de nations, etc., que de conceptions. Il est évident
que dès l’instant où l’homme prit conscience
que des effets négatifs ou nuisibles à
sa tranquillité pouvaient menacer sa vie, il
considérait que cela était « mauvais
», et provoquait un déséquilibre
psychologique ou physique» et c’est ce qu’il appelait
habituellement le « mal ».
L’application d’une justice est en fonction de l’intelligence
d’un ou des individus. Si, à une certaine époque
de l’histoire de l’humanité le meurtre et le
massacre étaient considérés comme
des actes normaux et acceptés, il n’en est plus
de même aujourd’hui. Cependant, les mobiles restent,
peu différents par rapport à hier parce
que l’homme s’arrange toujours à minimiser ses
convoitises face à des intérêts
illégitimes en les présentant comme étant
la référence du «bien.»
En politique comme en religion, nous ne pouvons pas
adhérer complètement au credo des autres.
Chaque type d’acceptation d’une philosophie religieuse
ou politique, correspond à une nature spécifique
et individuelle, communautaire ou nationale. Un musulman
ne peut pas par exemple s’accommoder entièrement
aux principes du christianisme ou du judaïsme ou
d’un non croyant et vice versa, comme il en est de même
des idéologiques politiques. Les peuples se sont
parsemés sur toute la surface de la terre ce
phénomène d’émigration a engendré
des habitudes différentes parfois complexes pour
être interprétées à la hâte.
Mais ce qui est certain, ces différences sont,
paradoxalement, le moyen unique pour rassembler, partager,
construire dans la tolérance et c’est ce qui
justifie l’ultime recherche de la fraternité
et de la paix dans le monde. Sans faire de prosélytisme,
le devoir de l’humanité est d’aider cette réunification
des êtres malgré cette diversité
de culture et de tradition et c’est d’ailleurs ce qui
se produit actuellement. En effet, nonobstant les faits
tragiques qui torturent psychologiquement les humains,
l’être refuse, du fond de son âme le séparatisme
absolu. Ces faits tragiques étant essentiellement
la résultante d’un manque d’éducation
des adultes qu’ils soient instruits académiquement
ou pas.
Ainsi, nous ne pouvons pas espérer
des résolutions justes tant que nous serions
attachés à cette fausse conception de
vouloir diviser psychologiquement l’humanité
en races séparées par des frontières
ou de barrières douanières (sachant que
le profit se fait à sens unique), en références
abstraites qui osent qualifier l’entité pensant
comme étant un spécimen physique utile
uniquement à l’esclavage de l’esprit.
Nous voyons donc, que l’application d’une véritable
justice repose principalement sur un esprit de maturité
de la conscience, c’est peut-être la raison pour
laquelle qu’elle nécessite encore l’intervention
d’une décision collégiale et non simplement
personnelle où la tentation demeure maîtresse
quant au désir de convoiter ou de dominer.
Un sage bouddhiste disait :
«Notre esprit nous fait croire
que les phénomènes, les évènements
que nous expérimentons, sont purs ou impurs.
Ces sont nos peurs qui justifient ces jugements. Jugements,
peurs, phénomènes purs ou impurs sont
indépendants des objets qui les suscitent. Ils
sont un piège de l’ego qui nous rend ainsi toujours
plus esclaves de lui-même. Si nous analysons ces
différents points sous l’angle de la vraie nature
de l’esprit, nous constatons qu’aucune réalité
ne recouvre ces faits.
« Etablir une discipline éthique
universelle demande qu’un principe de base soit accepté
par tous : s’abstenir de toutes actions qui pourraient
nuire aux autres. »
L’humanité ne peut pas évoluer
de façon désordonnée. Bien que
séparées, les nations doivent coopérer
pour pouvoir acquérir un esprit d’équité,
et de pensées justes. La justice est donc plus
une question globale que sectorisée. Mais il
ne faut pas confondre le procès local d’un tribunal
avec toute cette justice globale qu’on aurait tendance
à réclamer à cor et à cris,
sans véritable connaissance de l’homme en tant
qu’individu, une entité livrée à
ses instincts les plus inférieurs mais probablement
capable de s’élever et de parfaire ses attitudes
envers autrui.
L’oppression, la répression
des pensées progressistes, la dictature de l’argent,
la propagande de faits mensongers, ne favorisent pas
l’instauration d’une justice réelle. Tout ceci
demeurera utopique tant qu’il y aura dissimulation de
la vérité, de la connaissance et le mépris
des plus vulnérables.
Il est impossible d’établir une véritable
justice si, d’un côté nous faisons souffrir
les autres peuples parce qu’ils sont sans défense,
les empêcher de s’épanouir sous couvert
d’un soi-disant, esprit mondialiste au sens humain du
terme et de d’un autre côté, prôner
l’amour, la paix ou la fraternité entre les êtres
en sachant très bien que nous n’en pensons pas
un mot de ce que nous avançons, aussi nobles
puissent être nos intentions ! Que seuls des intérêts
très particuliers se cachent derrière
nos élans de solidarité. Ces intérêts
ne sont pas toujours religieux ou politiques et pas
simplement économiques, mais il peut s’agir dans
un premier temps d’éléments subjectifs
ayant pour but d’écarter les moins chanceux au
savoir par exemple. L’homme moderne a « globalisé
» la pensée négative parce que celle-ci
procure de l’argent. Or, les êtres sensibles à
l’équité savent très bien que le
temps n’est qu’un détail dans le rétablissement
de l’ordre dans la société, un ordre dans
l’allégresse, dans la joie et la fraternité
sans la standardisation des us et coutumes.
Les conduites accablantes comme le terrorisme, la violence
extrême, la tromperie, le fanatisme politique,
religieux ou autres, les guerres fratricides sont simplement
le résultat des limitations du mentales qui tentent
de faire valoir une cause imaginaire qu’il faut défendre.
Certes, parmi ces aberrations de l’esprit, nous avons
à faire à des sujets exaspérés,
désespérés, légitimes dans
leur déception, déconcertés face
aux inégalités de toutes sortes, mais
devenus malades mentalement et victime d’un narcotique
issu de pensée infectée, souillée
de haine que le mental ne contrôle plus. Il est
difficile alors de dire, ou de croire, que l’homme porte
en lui le germe de la bonté, qu’il est aussi
bon que la Nature elle-même se prédispose
pour l’aider à accepter sa condition humaine.
Il n’a jamais été interdit
de massacrer, de tuer comme il jamais été
interdit d’aimer ou d’haïr!
Mais c’est à force de s’allier aux principes
du respect et de l’amour que l’homme a progressé
et s’est affiné dans ses conceptions. Cette affinement
n’est pas arrivé à son terme loin s’en
faut et les évènements le prouvent bien.
Ce qui laisse espérer des jours meilleurs et
un monde plus humaniste, plus fraternel. Toutefois,
si l’homme persiste dans des conceptions désuètes
et proscrites, il sera fatalement contraint de supporter
l’insupportable.
La justice divine supposée par les anciens peuples
de la terre n’en demeure pas moins recevable dans un
contexte logique de réflexion, même si
le matérialisme notoire a une emprise sans précédent
sur l’individu d’aujourd’hui. En effet, la justice telle
qu’elle est perçue par l’homme est loin d’être
absolue et dénuée d’erreur d’appréciation.
Mais sa justice est basée sur des émotions
souvent négatives, ce qui demande une restructuration
sérieuse des pensées et une autre meilleure
gestion du temps de réflexion. Vouloir maîtriser
ce temps ou cette restructuration serait un signe d’orgueil
et c’est en général, ce qui empêche
le progrès.
Les questions les plus controversées en matière
de justice des hommes sont la peine de mort, la torture
et les erreurs dites judiciaires. Si nous négligeons
la réalité de l’être humain, les
réponses face à ces énigmes s’en
trouvent affectées de sentiment plus passionnel
et personnel, que juste, efficace et prometteuse de
paix sociale.
De ce bref regard sur la justice humaine, il faut retenir
que tant que l’homme s’obstinera à rechercher
comment conserver et protéger ses privilèges
acquis grâce aux malheurs et à la misère
des autres, aucun progrès dans ce domaine ne
sera possible.
Aussi, exiger de la société, de son prochain
une meilleure compréhension de nos conceptions,
de nos idées, suppose que l’on doit être
avant tout juste et compréhensif, un exemple.
Sans cette condition fondamentale, tout serait voué
à l’échec.
L’accusation est un acte volontaire qui est, a priori,
sensé d’affirmer un fait connu, une expérience
vécue dans le temps. Par conséquent, il
est difficile de juger une circonstance, une personne
dont nous ignorons la nature, la forme et le fond de
la dite expérience. Oser porter un certain jugement,
c'est-à-dire se permettre d’exprimer, de traduire
un sentiment intérieur convaincu, mais qu’on
n’a pas forcément eu l’occasion de vivre, c’est
tenter de créer des situations réversibles
qui finissent par nuire ou détruire les actions
positives que la société essaie d’atteindre.
Même si des sensations d’apaisement nous incitent
d’accuser à tort ou à raison. Il aurait
été plus sage de tempérer des impulsions
qui ne sont pas toujours justes ni fondées.
Ce sont les instincts animaux incontrôlés
des humains qui doivent être affinés afin
d’espérer une morale objective et des réactions
en chaîne positives. Souvenons-nous de ceci :
« la vérité n’existe pas mais qu’il
existe une certaine vérité relative, »
relative à l’intelligence, relative aux conditions
réelles d’existence englobant les habitudes et
les us, les coutumes et le cadre culturel dans lequel
l’homme est appelé à évoluer, à
progresser.
Ainsi, si nous désirons que
la justice dite humaine s’applique dans toute sa plénitude
d’équité, de mesure et de sagesse, nous
devons d’abord être justes nous-mêmes !
RV/23/09/2004